Alefa Madagascar : les années 70 de la Grande Île ressuscitées sur le label Strut

Le label Strut annonce, le jour de fête nationale malgache, la réédition d’une sélection de titres qui dessine les contours d’une époque foisonnante : celle où les musiques de l’île s’électrifiaient, portées par l’industrie locale du disque. À paraître le 6 septembre prochain.

Si vous voulez vous faire une idée de l’effervescence musicale de la fin des années 70 et du début des années 80 à Madagascar, alors cette compilation fort bien documentée est un cadeau des dieux.

La Grande Île, on le sait, est un vivier de styles et de traditions qui en font la richesse. Mais quelques années après une indépendance qui ressemblait fort, comme dirait Tiken Jah Fakoly, à la photocopie de l’indépendance plutôt qu’à l’original, la révolution de 1972 rebattait les cartes et donnait au pays une autre direction.

C’est dans les années suivantes que la maison de disques Discomad allait enregistrer à tour de bras des artistes de toute l’île. C’est l’époque où les guitares électriques, les orgues, font leur apparition et que le salegy et le tsapiky prennent leur essor. Le premier, directement inspiré de l’antsa sakalava, c’est-à-dire les chants traditionnels du Nord et de l’Ouest de l’île, et le second assis sur la tradition, mais également influencé par l’Afrique du Sud voisine, dont on captait les radios dans le sud malgache.

Les puissants dialogues (« call-and-response »), les chœurs vocaux riches et les triolets sont caractéristiques d’une sensibilité malgache unique, popularisant ces styles locaux au point de rivaliser avec toute la musique étrangère implantée sur l’île à l’époque.

Charles Maurin Poty, musicien et directeur artistique du label Kaiamba, raconte dans les notes qui accompagnent le disque, l’émergence des artistes tels que les mythiques Mahaleo (dont un blues des Hauts Plateaux figure sur la compilation), ou encore de Papa James, figure du tsapiky, et du redoutable Saka dit « the King » dont le rock sautillant et nerveux défie tous les classements.

On sent à l’écoute de ces 18 titres rescapés (bien des archives de l’époque ont disparu ou ont été détruites) toute la diversité et la liberté créative d’une époque où Madagascar tournait pour de bon une page de son histoire, l’enthousiasme de ces orchestres qui rêvaient en musique, flirtant parfois avec le psychédélisme, sans connaître encore les difficultés qui allaient frapper l’île à partir de la fin des années 80.

Bref, voilà une compilation précieuse pour les connaisseurs comme pour ceux qui ne connaissent pas les richesses musicales de Madagascar. Alefa (allez !), il ne vous reste plus qu’à l’écouter.

Alefa Madagascar, sortie le 6 septembre sur Strut Records.